Tous les articles par Kristin Enez
Pors Gelen
île Aganton (Canton)
Cette île est surprenante à bien des égards !
Même si nous la nommons « Canton » nous n’ignorons pas qu’« Aganton », « Agaton ou Agathon» (et bien d’autres) ont pu la désigner.
Tant de noms lui ont été attribués que nous allons tenter d’y voir plus clair ! E
Sa forme caractéristique
pourrait peut-être évoquer…
un oiseau !
ou un fantôme !
Elle tire aussi sa singularité des vestiges qui marquent son passé, de sa faune et de sa flore, de ses dunes, de ses galets…
Ce petit territoire de 22 ha en a beaucoup à conter d’autant plus qu’il y règne une atmosphère particulière.
À un peu moins de 500 m de l’ile-Grande, elle est accessible à marée basse, aux promeneurs et pêcheurs à pied.
Une plage de sable blanc accueille le visiteur et laisse deviner que, plus haut, l’accumulation de sédiments sableux a permis à la végétation d’investir tout le centre de l’île.
C’est à l’extrémité de ses trois pointes rocheuses que son socle granitique est mis en évidence.
Dans le Tome V de “Voyage en France, îles de la Manche et Bretagne péninsulaire“, Ardouin-Dumazet écrivait (à la fin du XIXème) :
Carrières abandonnées, excavations aujourd’hui remplies d’eau, bâtiments en ruine (forge et abris de carriers), vieux quai et restes de voie ferrée témoignent de l’importante exploitation de ce granit (depuis le 19ème jusqu’aux années 90). Les débris de taille laissés par les carriers sont témoins de ce passé.
Deux antiques croix de granit surgissent de la dune…
Les anciens se souvenaient qu’elles étaient encore au nombre de trois peu avant 1940.
Il n’en reste que deux mais on dit qu’elles se rapprochent tous les sept ans de la longueur d’un grain de blé… Hélas, le jour où elles se toucheront, ce sera la fin du monde.
La présence de ces croix attesterait qu’une chapelle dédiée à Saint André serait enfouie sous les sables dunaires… On y venait en pèlerinage pour obtenir la guérison des enfant atteints de la coqueluche.
L’île offre au promeneur le plaisir de découvrir la diversité de sa flore.
Sur la pointe nord-est, la traditionnelle bruyère cendrée* empourpre la lande du printemps à l’automne ; grand ajonc d’Europe*, prunelier*et fougères* peuplent quelques fourrés.
Le pourpier de mer* s’étale en haut de la plage. La dune mobile, juste au-dessus, accueille chiendent, oyat et panicaut maritime* (espèce protégée).
Les dunes fixées, celles de l’intérieur de l’île, sont peuplées de petites graminées : Sedum acre* et Thesium humifusum*, Fétuque rouge*.
Jonc maritime*, Osmonde royale* et Écuelle d’eau* se rencontrent dans la partie humide du centre de l’île.
Sur les cordons de galets au nord et à l’ouest de l’île s’est installée une espèce protégée, la crambe maritime*.
La loutre d’Europe* (mammifère protégé) s’y est installée
et, dans la partie ouest de l’île, aigrettes*
et hérons cendrés* trouvent un abri dans l’ancien bois de pins.
On peut y croiser renards et lapins Il y a quelques années, Canton a servi de refuge à deux sangliers fuyant une battue qui avait lieu sur le littoral !
*extrait d’un rapport de la znieff (Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique)
Le milieu dunaire et la biodiversité de ce petit joyau île-grandais sont à préserver.
Les promeneurs doivent être prudents et tenir impérativement compte des horaires des marées pour s’y rendre et surtout revenir en toute sécurité.
île Bolennec
île Losquet
L’île Losquet (île brûlée) est aujourd’hui propriété du Conservatoire du littoral (après avoir appartenu quelques années à France Telecom).
Cet abri sauvage battu par la houle et les embruns s’étend sur 10 hectares, entre « les Peignes » et « Fougère ». Une frange de roches suivie d’une passe sableuse la séparent de l’île Aganton (Canton).
La lande rase qui la recouvre est faite de bruyère et d’ajoncs.
D’autres espèces sont à noter : le genêt des teinturiers (arbuste bas), le chou marin (espèce protégée), la brugrane renversée (moins présente en Bretagne que dans des régions plus au sud), l’armérie maritime,
Des phoques gris
pêchent au nord de Losquet.
À la fin du XIXe siècle, son granit a été exploité par Joseph Brinter puis les carrières Watelet ont pris le relais au début du XXe.
Il reste quelques traces de cette exploitation au nord-ouest de l’île et sur l’estran (front de taille, déchets de pierres, abri de carrier et ancienne jetée (restaurée à l’époque de France Telecom).
Des photos aériennes de l’île Losquet ont révélé l’existence d’un géoglyphe qui a soulevé, un temps, quelques interrogations …
île Illeouic
Formation du granit(e) de l’île-Grande
Parcourir l’Île-Grande et tenter d’en lire ses paysages d’un point de vue géologique incite tout naturellement le promeneur à s’interroger sur ce granit (1) dont la réputation n’est plus à faire.
(1) Orthographié avec un « e » final par les géologues pour désigner la roche
Comment le granit (e) s’est-il formé ?
Il y a 4 milliards d’années naissait la terre.
Notre vieux Massif Armoricain (dont l’histoire a commencé il y a 2 milliards d’années) n’a cessé de subir des contraintes qui l’ont, peu à peu, transformé et modelé.
Il y a 300 millions d’années, dans notre région formée de hautes chaînes de montagnes, des poches souterraines de magma surchauffé cherchent à s’échapper du manteau terrestre…
(voir, ci-dessous, la carte de Barrière, 1976)
Parfois, le magma réussit à percer l’écorce terrestre et s’échappe lors d’éruptions volcaniques.
Mais, à 5 kilomètres de profondeur, il reste des chambres où est emprisonné le magma. Celui–ci met plusieurs centaines de milliers d’années à voir sa température baisser…
Cette longue attente permet la formation de cristaux… L’assemblage des cristaux donne un aspect de grain d’où le nom de granit.
Mais, il faut encore attendre la lente érosion de la chaîne hercynienne (2) pour que le granit apparaisse enfin.
Le granite est une roche qui se forme en profondeur dans la croûte terrestre, elle n’est donc pas visible au moment de sa formation : on dit que c’est une roche endogène. Seul un soulèvement (formation d’une chaîne de montagne suivie d’une érosion peuvent faire affleurer la roche et la rendre visible).
(2) Chaîne hercynienne : il y a plus de 380 millions d’années, une collision de plaques terrestres a fait surgir une immense montagne de 6 000 mètres d’altitude ; à la place de notre côte actuelle se trouvait une partie de ces montagnes.
Composition du granite
Il est composé de grains, généralement de petite taille, souvent visibles à l’œil nu (on dit qu’il a une “texture grenue“). Chaque grain est un minéral.
- le quartz : c’est l’élément le plus dur du granite. Transparent et blanchâtre à l’état pur, il peut contenir des impuretés qui le colorent en rose, jaune, violet (améthyste). C’est de la silice.
- Le mica : c’est un minéral foncé, brillant, qui se raye facilement ; il est tendre. Le mica est généralement transparent mais il peut être blanc ou noir dans le granite. Il contient du fer qui rouille en s’oxydant.
- Le feldspath : c’est lui qui donne sa couleur au granit (blanc, rouge, bleuté, gris…). Les grains de forme géométrique sont durs et rayent l’acier.Les traces d’uranium du mica noir du granit(e) permettent de mesurer sa radioactivité et donc de dater la roche.
Bien que le granite soit une roche dure et résistante, il finit, à la longue, par s’altérer.
Altération et érosion du granit(e)
Des fissures se sont produites pendant son refroidissement mais également en raison des mouvements de l’écorce terrestre car, même si la roche est dure, elle n’est pas souple ! La roche s’est fendue verticalement et horizontalement mais sans éloigner les parties disjointes (diaclases).
Puis le vent, le gel et le ruissellement ont petit à petit modifié la forme des roches granitiques .
Les diaclases (fissures, fentes, fractures), permettent à l’eau* ou aux racines des plantes de pénétrer plus facilement à l’intérieur de la roche.
* L’altération chimique du granite se fait principalement par l’eau qui agit de deux façons : soit par hydratation (addition d’eau à un composé sans modification chimique de celui-ci). Par exemple, l’eau peut se glisser entre les feuillets du mica, provoquer son gonflement et, petit à petit, désolidariser les grains de la roche) ; soit par hydrolyse (décomposition d’une substance sous l’action de l’eau).
source du schéma : http://eric.lacouture.free.fr/college/5eme/cours_5_ch8.htm
Il en résulte :
du granit(e) altéré sous couvert végétal
des chaos granitiques (grosses boules de plusieurs mètres, empilées les unes sur les autres, parfois en équilibre),
Sous les blocs, au bas des pentes, on peut observer des graviers (appelé chez nous “le péré“) et des sables : les arènes granitiques.
Le sable, emporté hors des arènes granitiques, se retrouve sur les plages de sable blanc ou jaune (le sable peut aussi se former par altération et érosion de n’importe quelle roche).
Place du granite de l’île-grande dans le massif granitique de Ploumanac’h
Le massif granitique de Ploumanac’h résulte de trois intrusions successives concentriques :
– une zone externe, la plus ancienne puisqu’elle a environ 300 millions d’années, composée de granit rose à gros grains et même, en certains endroits des granits à très gros grains de feldspath (de rose à rouge). Dans cette zone, on distingue le granite « de La Clarté-Ploumanach » et celui « des Traouiéro ».
– une zone intermédiaire autour, âgée d’environ 295 millions d’années, avec des granits plus gris ou légèrement roses, toujours à grains fins. Sur l’Île Agathon (Canton ou à Canton sur les cartes d’il ya quelques décennies), on en distingue une variante dite “granit Agathon” ou “granit Canton” un peu plus ocre ou rosé.
– une zone interne, la plus jeune, centrée sur l’Île Grande avec un granit blanc ou bleuté à grains fins qui a environ 290 millions d’années. Les spécialistes subdivisent cette zone interne en zone centrale (granit à biotite = mica noir, appelé “granit bleu de l’Île Grande“) et couronne (granit à deux micas noir et blanc appelé “granit blanc de l’Île Grande“).
Cartographie précise du complexe de Ploumanac’h, Michel Barrière. 1976
Légende de la carte :
Source : Extraits du site de la « Société géologique et minéralogique de Bretagne »